Dépôt de lait Basse-Ville ( 30/01/1919-10/1919 )
Comme son nom l'indique, le Dépôt de lait Basse-Ville offre aux mères démunies, gratuitement ou à peu de frais, du lait « sain ». Il approvisionne principalement la Goutte de Lait Saint-Roch. Les gouttes de lait, d'inspiration européenne (France, Belgique, etc.), forment un réseau d'oeuvres initiées par des femmes laïques, auquel adhèrent des médecins (généralistes et pédiatres) et parfois des religieuses. Dans la ville de Québec, ce réseau de services se constitue essentiellement sur la base des paroisses, contrairement à la présence ailleurs dans la province, notamment dans la ville de Montréal, d'un réseau également municipal. Mathilde Barnard (madame Jules Tessier), à l'origine, en 1915, de l'Association québécoise de la goutte de lait en dirigera les destinées jusqu'en 1932. L'Association s’inscrit dans le mouvement de lutte contre la mortalité infantile, véritable fléau à Québec jusqu'au milieu du XXe siècle. Les dirigeantes bénévoles du réseau de Québec conservent leur autonomie et refusent de s'affilier au Conseil central des oeuvres du diocèse dans les années 1940. Ces femmes dynamiques n'hésitent pas à prendre à partie les médecins de l'Oeuvre pour limiter les frais de gestion et s'assurer d'un service régulier. Elles réussissent, à force de ténacité, à obtenir l'appui des curés des paroisses de Québec, qui font la promotion du service, ainsi que des pouvoirs publics des trois paliers de gouvernement. Elles maintiennent le fonctionnement de l'Oeuvre jusqu'à la fin des années 1960 en tenant quantité d'activités de financement (kermesses, bazars, etc.).

Le réseau de Québec compte plus d'une vingtaine de gouttes de lait, pour la plupart des cliniques, qui offrent des examens physiques généraux pour les nourrissons (0-2 ans) ainsi que des conseils et des conférences aux mères sur la façon de prendre soin de leur bébé et qui distribuent gratuitement ou à peu de frais du lait « pur » pour les enfants. Des visites à domicile, d'abord assurées par les dirigeantes de l'Oeuvre et à partir de 1924 par des infirmières (une condition posée à l'Association pour être reconnue par le Service de l'Assistance publique), font également partie du service. Comme on peut le constater sur la carte jointe, le réseau des gouttes de lait a d'abord recouvert les zones de pauvreté dans la ville: le quartier Saint-Roch et son extension le long de la rivière Saint-Charles dans Saint-Sauveur et Limoilou et les quartiers Petit-Champlain et Cap-Blanc longeant le fleuve Saint-Laurent. Plus de la moitié du réseau se constitue avant la crise économique des années 1930. Des cliniques s'ouvrent ensuite, une fois la crise passée, dans les paroisses nouvellement créées. La Haute-Ville, plus aisée, reste peu touchée, en dépit du fait qu'on souhaitait rejoindre toutes les mères de la ville. Pour la seule année 1947, les gouttes de lait, présentes dans 14 des 27 paroisses de la ville, ont permis à 20,806 bébés de bénéficier d'une consultation médicale sommaire, le plus grand nombre d'entre eux dans la paroisse de Saint-Sauveur. À l'échelle de la ville, les gouttes avaient ainsi rejoint 39,7% de tous les bébés (0-2 ans) de Québec. L'efficacité de ce réseau de services pour réduire la mortalité infantile est reconnue par tous les intervenants, dès le début de l'Oeuvre. Au milieu des années 1960, les autorités municipales, pointées du doigt pour l'absence d'une division sanitaire pour les mères et les enfants, allaient incorporer les cliniques initiées par des femmes laïques et miser sur le plan de développement qu'elles avaient elles-mêmes proposé, pour moderniser et compléter le réseau initial. Les femmes laïques assistaient en 1970 aux dernières fermetures des services qu'elles avaient réussi à maintenir pendant plus de 50 ans.

(ABPQ; ANQQ, fonds P437, Société Saint-Vincent-de-Paul,
Gouttes de lait; Daigle et Gilbert, 2008; Fortier, 1966; René, 1948)
 
 
Réseau des Gouttes de Lait de Québec
 

Source : Production: La ville de Québec comme laboratoire sociohistorique, 1850-1950, CIEQ