Sauvegarde de l'Enfance (anciennement le Service des adoptions de la Crèche Saint-Vincent-de-Paul) ( 1930-1972 )
La Crèche Saint-Vincent-de-Paul, fondée en 1901 par les Soeurs du Bon-Pasteur pour recueillir spécifiquement les enfants « illégitimes », pour la plupart ceux des « filles-mères » qui donnent naissance à leur maternité (l’Hospice puis l’Hôpital de la Miséricorde), est rapidement débordée. Dès 1908, l’institution, déménagée à la périphérie de la ville (sur le chemin Sainte-Foy, dans l'actuel quartier Saint-Sacrement), abrite 752 enfants de 0 à 6 ans. En 1929, alors que les religieuses reçoivent tous les enfants en provenance de l’Hôtel-Dieu-du-Sacré-Cœur qui cessent d’héberger les enfants « trouvés » dans la ville, elles accomplissent la tâche colossale de s'occuper de 749 jeunes enfants simultanément. La Crèche, telle une fourmilière de bébés, porte bien son surnom de « Berceauville ». Entre 1901 et 1972, plus de 38,000 bébés auront transité par cet orphelinat.

Depuis le début, les Sœurs du Bon-Pasteur tentent de placer des enfants dans des familles, en souhaitant qu’ils soient adoptés, mais leurs efforts n’ont guère de succès. Avec la crise des années 1930, la situation devient intenable. En 1932, les religieuses doivent même poster des gardiens de sécurité aux portes de l’institution pour éviter que des gens de la ville, poussés par la misère, y déposent des bébés qu’elles ne peuvent plus loger. Pour faire baisser, ou à tout le moins pour contrôler le flot de bébés et de jeunes enfants qui séjournent à la Crèche, qui n’a rien d’un service de garde au sens moderne du terme, elles délèguent à l’abbé Victorin Germain, en 1930, la direction du service d’adoption. Le bouillant abbé, bien connu dans la région de Québec, se consacrera entièrement à la cause de l’adoption des enfants « illégitimes » de la ville, jusqu’à sa mort en 1964. L’effet de son arrivée est immédiatement ressenti. L’institution enregistre 3,590 adoptions de 1931 à 1940, en dépit de la crise économique, et bientôt de la Seconde Guerre mondiale, qui reportent pour plusieurs le projet de fonder une famille.

L’abbé Germain, un ancien journaliste, entreprend une vaste campagne de propagande, à coup d’annonces dans les journaux, de dépliants, d’affiches et de publications destinées à émouvoir d’éventuels parents adoptifs, comme ses fameuses
Chroniques de la Crèche, largement diffusées. Il s’adresse encore aux curés des paroisses de la ville, les incitant à lancer des appels en faveur de « sa » cause, du haut des chaires de leurs églises. Il visite des familles pour tenter de les convaincre d’adopter et entreprend même quelques voyages, accompagné par des religieuses de la Crèche, avec des poupons qu’il confie à des familles, et ce, jusqu’en Gaspésie. Le Service des adoptions devient, en 1943, la Sauvegarde de l’Enfance, une agence de placement d’enfants dans la ville. En 1955, les religieuses comptabilisent le nombre record de 977 placements pour adoption.

Pour les nourrissons qui grandissent à la Crèche sans avoir pu être adoptés, les religieuses ouvrent, en 1925, l’Hospice des Saints-Anges de Lyster, qui prend en charge des enfants de 3 à 6 ou 7 ans, puis une autre maison à Neuville, en 1948. De jeunes garçons vivant avec une déficience mentale sont placés au Mont Saint-Aubert, une institution offrant des soins et une éducation adaptés à cette situation. La Sauvegarde de l’enfance place encore quelques garçons dans des familles du milieu agricole. Dans la ville, comme ailleurs au Québec, on remarque que les bébés de sexe féminin sont davantage privilégiés par les familles adoptives, une situation qui s’inverse à l’avantage des garçons lorsque les enfants sont plus âgés.

À partir de 1943, la Sauvegarde de l’enfance partage la responsabilité des placements pour adoption avec le Service familial de Québec, nouvellement créé. La Crèche Saint-Vincent-de-Paul ferme ses portes en 1972, confiant ses derniers enfants à l’Orphelinat d’Youville. À ce moment, les abandons d’enfants « illégitimes » sont de plus en plus rares, les parents « naturels », les mères en particulier, même lorsqu’elles sont « monoparentales », se chargeant désormais de leurs enfants. Le Service d’adoption perd alors sa raison d’être. L’adoption internationale constituera la nouvelle filière pour adopter des enfants dans la ville, comme partout ailleurs au Québec.

(AAQ; ABPQ; Daigle et Gilbert, 2008; Fleury-Potvin, 2006; Germain, 1948)
 
 
La Crèche Saint-Vincent-de-Paul à vol d'oiseau, avant 1953
 

Source : ABPQ, PH-G-10, 4-01